Esperanza Spalding, ce qu'elle a d'épatant, à part ce prénom qui sourit à l'avenir et le fait d'être la jeune musicienne favorite d'Obama et de quelques mastodontes comme Herbie Hancock, Wayne Shorter et Joe Lovano, c'est son imprévisibilité et sa volonté de se surprendre elle-même. Remarquable contrebassiste qui possède un style novateur quand elle joue du jazz, elle chante aussi, conçoit ses propres chansons, dirige un groupe construit autour de sa personnalité hors modèles. Ses deux albums précédents "Chamber Music Society" et "Radio Music Society", l'ont révélé instrumentiste, compositrice, arrangeuse, avec un goût prononcé pour la musique black revue par une pop chercheuse. ""Emily's D+Evolution" est un pas de plus vers l'affirmation d'une esthétique personnelle. Ce sont des chansons à texte qui jouent au carrefour de l'enfantin, du juvénile, du poétique, avec quelque chose de gentiment ésotérique. Esperanza est une jeune femme qui chante, plutôt qu'une chanteuse, sa voix lui ressemble : jolie, fine, gaie, se souciant moins de séduire que de se sentir bien dans ses mélodies. Les arrangements pour un groupe avec choeurs, sans solistes, sont subtils, inattendus, et ils gagnent à être réécoutés, car ils ne se donnent pas d'emblée. On ne dira pas qu'il s'agit d'un disque de jazz, mais plutôt d'une musique cultivée à ses confins, résolument pop chic. [M. Contat-Télérama]